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Chanter modal en polyphonie

Copyright : ©Évelyne Girardon
Document de présentation des procédés d’harmonisation possibles favorisant le noyau modal des mélodies de la chanson de tradition orale. Il ne peut suffire à son unique lecture, assister au cours ou au stage d’Évelyne Girardon est nécessaire (nombreux exemples musicaux).

Ce document résume les différents procédés employés pour harmoniser les chansons de la tradition orale qu” Évelyne Girardon a : soit enregistrées, soit transmises par le biais de stages ou d’ateliers chant. Ils ont été improvisés, fixés et élaborés oralement sur plus de 35 ans, en fonction des timbres vocaux des chanteurs et chanteuses qui ont bien voulu les interpréter. Au fur et à mesure des années, les moyens de s’en souvenir, au côté de la mémorisation simple appuyée par les outils d’enregistrements divers, se sont affinés.
La formation à la modalité transmise par René Zosso lui ont permis l’emploi de la solmisation, méthode « orale » plus stable, en hauteur relative, ce qui permet l’adaptation aux tessitures diverses.

Logo Chanter modal
De la main de René Zosso.

Les harmonisations proposées ne s’adaptent pas parfaitement aux grands groupes vocaux comme les chorales. La meilleure direction pour les faire sonner serait de les chanter « une personne par voix », en mettant en valeur les timbres vocaux. C’est par la différence de ces timbres qu’elles gagnent en qualité.
Beaucoup de ces procédés existent dans d’autres cultures vocales traditionnelles ou à d’autres époques (musiques anciennes). On peut y reconnaître des bribes rencontrées dans l’histoire de la polyphonie.
L’écoute simple des mélodies et l’improvisation permettent de les créer.

Avant propos

Quand il s’agit de chanter les chansons traditionnelles, d’essence profondément monodiques, en les imaginant à plusieurs voix, une foule de questions se posent. Ainsi que quelques inquiétudes comme celles qui, au delà du plaisir de chanter en polyphonie, concernent une éventuelle perte du sens « premier » de ces répertoires de l’oralité qui ont porté des fonctions pour la plupart inexistantes et oubliées aujourd’hui. Se pose alors la question de cette « appropriation culturelle dans un monde qui ne vit plus que dans une pensée « esthétique » (faire beau).

« Les mélodies de ces chansons seront présentées accompagnées d’un vêtement d’harmonie – qui est, nous ne l’ignorons pas – étranger à leur nature primitive. C’est que le but de cette publication est de faire admettre ces sauvageons dans un monde qui ne voudrait pas accepter leur simplicité nue » Julien Tiersot à propos d’une de ses publications d’harmonisations de mélodies populaires.

Il y a pourtant des réussites « polyphoniques » sur des thèmes traditionnels. Citons le cas de « Filip Koutev », arrangeur d’exception, qui a sublimé la modalité et les timbres des voix traditionnelles des chanteuses de Bulgarie.
Il a en conservé l’aspérité vocale, le sentiment monodique dans la diaphonie, les ornements, l’entendement modal …

Quelques citations au préalable

« Il est impossible d’aborder sérieusement une émission sonore de tradition orale sans s’être auparavant dépouillé de notre éducation et de notre appareil musical moderne, c’est-à-dire de notre étroite formation d’oreille et de perception. Dépouillement nécéssaire pour purifier et affiner justement l’écoute, afin éventuellement « d’entendre » et de pouvoir aborder intérieurement le sens de cette émission dans une écoute autre, une écoute plus fine … » Iégor Reznikoff – Le chant occidental antique à la leçon des traditions orales.

« Il est à peu près impossible d’harmoniser selon les principes de l’harmonie classique, fondée sur la consonance à 3 notes, des mélodies construites hors de ces principes, à moins d’en dénaturer la signification, ce que beaucoup font allègrement (accompagnement de chant grégorien, harmonisation de mélodies anciennes ou non occidentales, hybridation des répertoires asiatiques, etc) » Jacques Chailley dans « Éléments de philologie musicale » 1985 (Ed. Alphonse Leduc)

« L’étude de toute cette musique paysanne fut pour moi d’une importance capitale, car elle m’amena à comprendre comment je pouvais me libérer totalement de la tyrannie du système majeur-mineur qui avait eu cours jusque – là ». Béla Bartok (1881-1945).

« La majeure partie des contresens provient (…) d’une tendance naturelle (…) à appliquer rétrospectivement à des conceptions anciennes des notions qui leurs sont postérieures ». Jacques Chailley – L’imbroglio des modes. »

« Le premier travail de désintoxication nécéssaire à l’étudiant qui aborde l’histoire de la musique⌋…⌊ est de faire table rase des données solfégiques et harmoniques héritées d’un passé trop récent pour être valables aux époques anciennes. » Jacques Chailley – Cours d’histoire de la musique-Tome 1

Des directions générales

Penser non à la verticalité des sons, mais à l’horizontalité du discours mélodique.
Créer des lignes d’harmonisation qui pourraient sembler des mélodies autonomes si la mélodie était tue. Rester attentif à ce que la mélodie reste toujours très audible et garde sa priorité dans la couleur polyphonique créée. Les choses les plus simples sont souvent les plus belles.

Trouver la place du bourdon : Où le placer ? La mélodie se conclue t’elle sur le bourdon ? Reste t’elle suspendue ? Se développe t’elle au delà de la corde récitative ? (se situe t’elle sur la quinte, la quarte, la tierce …).
Chanter la chanson sur le bourdon, repérer les consonances et les dissonances.
Le son unique du bourdon contient tous les autres, par sa présence continue il renforce la différenciation des degrés.  Sa présence souligne les phrasés mélodiques, et éclaire la compréhension des textes car le retour au bourdon d’une mélodie chantée signifie souvent qu’une image se clôt.

Définir le mode de la mélodie : les chansons traditionnelles ne sont pas toutes parfaitement modales comme le sont les chants grégoriens, de nombreuses notes supplémentaires et mobiles peuvent y apparaître. Néanmoins, très souvent elles abritent un « noyau modal ». Certaines peuvent aussi changer de mode entre une première et une deuxième partie.

Improviser sur le mode sans la mélodie à harmoniser : quelles sont les notes caractéristiques du mode ? Les entendre, les mémoriser. Inventer de petites formules mélodiques de quatre notes par exemple.

Sur la mélodie choisie, tenter de placer les petites formules mélodiques de quatre notes.
Utiliser « l’isorythmie » qui consiste à répéter une figure rythmique et mélodique indépendante de la mélodie. On peut utiliser aussi le principe de « l’ostinato » (courte formule mélodico-rythmique.)
Ou bien chanter simplement l’échelle du mode en même temps que la mélodie et repérer les consonances et les dissonances. Fixer ce qui, à l’oreille, nous convient.

On peut aussi articuler le texte de la chanson sur le bourdon ou/et sur la corde récitative, suivant le phrasé de la mélodie, l’effet peut être très intéressant. Dans ce cas, ne pas sur-articuler, le texte chanté de la mélodie suffit.

Ensuite

Les lignes d‘harmonisation (texte et ligne musicale) peuvent épouser exactement et simultanément le rythme et le phrasé de la mélodie : c’est l’homorythmie, la forme la plus simple du contrepoint.
Dans ce cas, il est utile et confortable de penser d’abord à poser une ligne « de dessous », proche du bourdon et qui respecte le mode défini. Ce peut être aussi des lignes parfaitement parallèles (voir les organums en musique ancienne).

S’éloigner des tierces tonales qui nous viennent spontanément à l’esprit, au-dessus de la mélodie. Certaines traditions vocales les font tout de même entendre plutôt en dessous de la mélodie comme ici : J’ai fait une maitresse (collectage Vallée de Cogne)

Plutôt que de rester dans l’homorythmie, on peut décaler les lignes créées en y adaptant le texte de la chanson comme dans : Que fais-tu là belle Eugénie
On peut garder l’homorythmie pour la ligne de dessous et décaler une ligne dessus.
Ou l’inverse, ou décaler différemment les lignes au gré de l’improvisation.

Partir d’un unisson, à plusieurs, s’arrêter sur certaines notes en continuant à articuler le texte. L’effet peut être interessant.

Dans un duo par exemple, comprenant une mélodie et une ligne d’harmonisation, les chanteurs peuvent changer de rôles l’intérieur d’un couplet. Cela peut aussi s’organiser dans une polyphonie plus dense en lignes d’harmonisation.

Imaginer des « lignes obliques ou croisées » qui, autour d’une mélodie qui reste fixe, peuvent se mouvoir en partant « au-dessous » pour finir sur le « dessus » .

Utiliser le principe du canon, pas uniquement sur la mélodie mais aussi sur les lignes d’harmonisation.Toutes ces propositions peuvent de combiner

À propos des narrations

Il est possible de compléter une courte version d’une chanson par des couplets complémentaires repérés dans d’autres versions de la même histoire.

Constituer des « scénarios » en partant de plusieurs versions pour : soit présenter plusieurs versions de la même narration, soit prolonger l’histoire de départ.
Chanter un thème dans plusieurs versions musicales en alternant les différentes mélodies.

Les poly’monodies : chanter deux monodies en même temps soit pour conforter une histoire, soit pour apporter deux avis différents simultanément. Il est plus confortable de choisir deux chansons dans le même mode ou dans deux modes dont la quinte est la même (comme les modes de LA ou de RÉ).
Se laisser guider à l’oreille pour placer une mélodie par rapport à l’autre, ne pas hésiter à prolonger certaines notes, répéter des parties d’une des mélodies superposée.

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