Des ré-éditions

Un grand nombre de rééditions de recueils de chants traditionnels sont à nouveau disponibles pour le plus grand plaisir des amateurs de chansons. C’est toujours très excitant d’avoir accès à des documents précieux jusqu’alors possédés par quelques heureux détenteurs ou bien des inédits gardés bien au chaud… dans les coins mystérieux des musées. Les voir réédités fait monter le rythme cardiaque ! Ces dernières années il ne restait plus aux passionnés qu’à arpenter les rues à la recherche du bouquiniste miraculeux, tels des voyageurs infatigables, aifn de trouver le trésor dont il ne fallait pas discuter le prix ! La quête du Graal en quelque sorte !

Aujourd’hui, trois rééditions relèvent d’une importance capitale car espérées depuis longtemps :

Chansons populaires dans le Bas Berry / Barbillat-Touraine, CMDTB éditions.

Les Chansons du Soldat (vieilles chansons savoyardes II)/Claudius Servettaz, éditions Centre Alpin et Rhodanien d’Ethnologie.

Chants populaires de la Grande Lande II / Félix Arnaudin, éditions Confluences.

La réédition de ces recueils va, sans aucun doute, relancer l’intérêt pour le répertoire traditionnel chanté, en en facilitant l’accès, les prix étant très abordables et les thèmes particulièrement originaux et peu interprétés. Il reste à espérer que ces merveilles inexploitées jusqu’à présent puissent à nouveau fleurir et occuper le devant de la scène au sein de créations et d’interprétations nouvelles. Ce répertoire n’a pas été suffisamment fouillé, ces rééditions arrivent à point nommé.

Dans le domaine des musiques traditionnelles françaises la pratique instrumentale a énormément progressé mais le répertoire chanté reste encore une expression embryonnaire ; pourtant, cette expression particulière pourrait à nouveau poser les questions importantes quant à l’interprétation et l’harmonisation des musiques traditionnelles. D’ailleurs, les préfaces de ces recueils remettent à ce sujet « les pendules à l’heure ».

Que disent-ils, les collecteurs ? Difficulté à définir ce qu’est « la chanson traditionnelle », difficulté de la collecte et de la notation, doutes quant à la réalité « régionale » d’une chanson, triste incapacité à retranscrire l’expression musicale du chanteur (« le signe graphique n’est pas de même nature que l’échange de parole « ). Face à ces questions, l’amateur a une furieuse envie d’en savoir plus, et d’approfondir.

Que nous livrent-ils, ces chercheurs, à la fin du siècle dernier ? Le squelette d’une expression poétique, un répertoire filtré par une connaissance lettrée, par l’émotion (romantique ?), aussi par une vision politique… Il n’en reste pas moins que ces chansons recèlent d’agréable surprises musicales et poétiques. Reconnaître les codes de langage et les traits musicaux est un plaisir permanent.

Qu’en faire et comment ? Les chanter sans complexe, s’en servir, comme un puissant levier, à une autre traduction poétique de la vie. Chanter dans toutes les positions, faire nôtre ce répertoire tout en sachant que l’on ne fera pas l’économie d’une analyse approfondie pour ne pas en perdre les caractéristiques.

À chacun le soin de se poser la question de l’harmonisation et de l’interprétation.

Devant l’importance du répertoire réédité il est à espérer qu’il ne restera pas à l’intérieur des pages de ces ouvrages mais qu’il voyagera de bouches en oreilles et en choeurs au sein d’une belle joute vocale !

« Ces chansons sont les nôtres, elles sont liées à notre être collectif. Les connaître, les aimer, les chanter c’est resserrer le lien qui nous uni à notre identité. C’est un enrichissement de l’expérience artistique que nous demandons à la chanson populaire. » Henri Davenson.

Chansons populaires dans le Bas-Berry

Barbillat-Touraine

Ce recueil est incontournable, il comprend les plus belles chansons recueillies en Berry et publiées pour la première fois en 1930, par Touraine et Barbillat, qui comme Claudius Servettaz étaient instituteurs.

On en connaît une petite partie grâce aux enregistrements variés réalisés depuis les années 70 (Les Thiaulins de Lignières, Mélusine, Malicorne, La Bamboche, et bien d’autres…)

La préface, rédigée en 1912 (une vraie perle), est bien dans l’esprit de l’époque à lire absolument !

Ce qui est intéressant c’est d’y constater que nos deux chercheurs reconnaissent que la réalité de « chansons berrichonne » est très floue, voire aléatoire.

« Ces chansons ne semblent pas être très écloses en Berry, on les retrouve ailleurs. » Néanmoins ils mentionnent une couleur locale bien déterminée dans le phrasé musical, comme le dira aussi Servettaz pour la Savoie. « En somme nous n’en savons guère plus long sur la patrie d’origine des chansons que sur leurs auteurs. »

Beaucoup de chansons de ce recueil n’ont jamais été rechantées, surtout les versions secondaires d’un thème précis… on y trouve pourtant de belles surprises. Je ne résiste pas au plaisir de citer quelques passages de cette préface :

« Nous nous excusons humblement auprès de nos lecteurs de n’avoir pu traduire avec les sept notes de la gamme, même affublées de dièses et de bémols, ces particularités (quarts, trois quarts de tons, etc…) et de les avoir remplacées par ce qui nous a paru en être le plus approchant. »

Quelques notes amusantes concernent l’interprétation : Pour les hommes il convient de chanter fort et pleine voix ! Pour les femmes, la « demi-teinte » est plus convenable !

En ce qui me concerne, je retiens en forme de conclusion le « chantez comme vous le sentez ! » lu un peu plus loin.

Evelyne Girardon et ses reccueils
> Evelyne Girardon et ses reccueils

Les Chansons du Soldat (vieilles chansons savoyardes II)

Claudius Servettaz

La plupart des consommateurs de chansons traditionnelles connaissent le premier volume des Chants et chansons de la Savoie paru en 1910 et réédité par Jeanne Lafitte en 1977. Le Centre Alpin et Rhodanien vient de sortir ce volume II, inédit.

La collecte de C. Servettaz a été très importante en nombre de chansons et en qualité. Il reste encore beaucoup à publier. Les descendants de Servettaz ont retrouvé une série de documents écrits par lui même, et aujourd’hui confiée au Musée des Arts et Traditions Populaires. Nous espérons la mise à disposition prochaine de ce fond.

Claudius Servettaz, lui aussi instituteur, a incontestablement été victime de la « fièvre du collectage ». Il a été initié à la chanson populaire par Julien Tiersot avec lequel il a travaillé et à qui il a confié plus de cinquante chansons de Savoie pour le recueil Chansons populaires des Alpes françaises (au fait, à quand la réédition ?).

Le travail de Servettaz comporte 700 chansons associées à la vie de leurs interprètes. La réédition s’ouvre sur une préface de Denis Laborde suivie du rapport à Monsieur l’Inspecteur Général Édouard Petit, rédigé par notre collecteur en 1911. Ce texte passionnant révèle les questions et l’obsession du chercheur. Il insiste sur le fait qu’en matière de chansons de tradition, il s’agit surtout de « transformation collective » plutôt que de « création collective ».

Tout comme le travail de Félix Arnaudin, Servettaz fait l’aveu de la création d’une version moyenne de la chanson, face à la multiplicité des choix. Pour Servettaz la récolte de chansons populaires n’a rien de banal, elle est complexe et jamais achevée.

« Souvent il arrive au chanteur de ne pas exécuter deux fois de suite de la même manière le même couplet. » D’où la dififculté exprimée pour noter ces mélodies (comment faire face aux caprices mélodiques et rythmiques difficilement saisissables du premier coup ?)

En devenant témoin de cette aventure de collecte le chanteur d’aujourd’hui ne peut que s’imposer une rigueur musicale importante ; il ne peut que tenir compte des mentions faites de ces « fantaisies » d’interprétations sans lesquelles ces chansons perdent leur sel.

Le recueil Chanson du Soldat présente des chansons inédites donc, bien que l’on puisse en reconnaître certaines déjà notées par Tiersot (Le voltigeur que j’aime, La belle qui fait évader son amant, Le soldat mourant et sa blonde, L’eau et le vin, Adieu Alexandrine adieu…). Cet ensemble traite de tous les thèmes universels rencontrés dans les autres recueils : l’amour, la crainte de l’abandon, le départ à la guerre, la désertion…

Chants populaires de la Grande Lande

Félix Arnaudin

Félix Arnaudin a été « le » grand folkloriste landais. Au départ, non musicien, il apprit la flûte traversière en bois pour collecter plus facilement. L’héritage familial fut dépensé sur l’autel du folklore !

Sa collecte comporte 481 chansons. Les chants publiés dans ce recueil représentent des productions individuelles dont l’identité est précisée. Il y a deux ensembles distincts dans ce second tome : la publication de 1970, plus la totalité des chants inédits à ce jour. Un premier volume a déjà été réédité. Le second comprend chants de danses, chants cérémoniels et religieux, chansons de voix et chants de moisson, suivis d’un glossaire gascon bien utile ! Tous les textes bénéficient d’une traduction. Félix Arnaudin reconnaît comme Servettaz la création d’une « version moyenne » d’une même chanson. Il n’hésitait pas à signaler en marge celles qui l’avaient ému. Les oeuvres complètes de Félix Arnaudin sont et vont être rééditées.

Il existe déjà un volume de contes, un volume de proverbes, les deux tomes de chansons constituent l’oeuvre de collectage. Restent à paraître un dictionnaire landais, ses correspondances, un livre de chasse.

Évelyne Girardon

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